France – Allemagne

« Comment la coopération franco-allemande peut-elle intervenir dans la résolution de conflits internationaux ? »

Corine Defrance, directrice de recherche au CNRS (Sirice Paris) et historienne spécialisée dans l’Allemagne contemporaine et les relations franco‑allemandes

La deuxième édition du Dialogue franco-allemand pour la paix et la justice s’est tenue à Trèves ces 23 et 24 juin. Sous l’égide de l’Université Franco-Allemande (UFA), des universitaires, chercheurs et praticiens ont investigué le rôle du tandem franco-allemand dans les crises internationales contemporaines et ont procédé à une approche comparative et interdisciplinaire des processus de construction de la paix et de rapprochement dans différentes régions du monde. Corine Defrance, directrice de recherche au CNRS (Sirice, Paris) et historienne spécialiste de l’Allemagne contemporaine et des relations franco‑allemandes, a participé à l’un des panels du Dialogue.

Corine Defrance, directrice de recherche au CNRS, historienne spécialisée dans l’Allemagne contemporaine et les relation
Corine Defrance, directrice de recherche au CNRS, historienne spécialisée dans l’Allemagne contemporaine et les relations franco‑allemandes. © Ladan Rezaeian

Note de transparence

L'article original, publié le 25 juin 2025, a été retiré du 26 juin au 16 juillet 2025, à la demande de Corine Defrance. Certains passages de la retranscription pouvaient manquer de nuances. L’interview a depuis été revue et modifiée en accord avec Corine Defrance.

* La formulation initiale omettait le rôle de présidente de l'UFA de Eva Martha Eckkrammer. De plus, la formulation originale indiquait que Philippe Gréciano, l'actuel vice-président de l'UFA, était le principal initiateur du deuxième Dialogue. Or, il a initié le premier dialogue - il y a deux ans à La Haye. L'actuelle présidente Eva Martha Eckkrammer a joué ce rôle cette année.

A quoi sert le Dialogue franco-allemand pour la paix et la justice ? 

Cet événement a été organisé par l’Université Franco-Allemande (UFA, Sarrebruck) : par sa présidente, Madame la professeur Eva Martha Eckkrammer, également présidente de l’Université de Trèves et par le vice-président Philippe Gréciano, professeur de droit. Lors du Dialogue, qui en lui-même témoigne de la vitalité de la coopération franco-allemande, nous nous sommes demandés comment la coopération franco-allemande peut contribuer à la résolution de conflits internationaux. 

Le Dialogue a été co-organisé en coopération avec l’Université de Trèves et l’Académie de la paix de la Rhénanie-Palatinat. Cette dernière a noué un partenariat avec le Rwanda, avant même le génocide menés contre les Tutsis en 1994. Ainsi, des universitaires et des praticiens rwandais sont intervenus sur les processus de réparation, rapprochement et réconciliation, nous permettant d’avoir une approche comparative et interdisciplinaire des mécanismes de construction de la paix dans différentes régions du monde et à différentes époques : cas franco-allemand, Rwanda, interventions de l’ONU dans le monde, crises du Proche et Moyen Orient. Cette rencontre entre scientifiques et praticiens, échangeant sur leurs expériences, a fait toute la richesse de ce dialogue

Les régions frontalières jouent-elles un rôle dans ce débat bilatéral ? 

En effet, nous avons évoqué les initaitives de rapprochement initiées en régions frontalières dans l’entre-deux-guerres. Entre 1925 et 1930, les élites économiques et culturelles luxembourgeoises, comme Emile et Aline Mayrisch ont joué un rôle fondamental. Les initiatives de rapprochement et de réconciliation se déclinent à toutes les échelles. La dimension régionale peut être un atout et servir de pont entre les peuples. En revanche, le rapprochement peut y être particulièrement difficiles en raison de traumatismes particuliers liés à une histoire singulière marquée par des annexions, l’incorporation de force dans l’armée de « l’autre ».

Anke Rehlinger, présidente du Bundesrat, ministre-présidente de la Sarre et plénipotentiaire de la RFA chargée des relations franco‑allemandes, est-elle entendue à l’échelle fédérale ? 

Anke Rehliger est connue en France pour incarner la relation franco-allemande dans son Land de Sarre, notamment avec la stratégie du bilinguisme qu’elle poursuit et son engagement pour le développement des relations culturelles et éducatives entre les deux pays. J’ai une perspective française, mais Anke Rehlinger est une figure de référence quand on évoque les relations franco-allemandes, que ce soit depuis Paris, Sarrebruck ou Berlin. 

Sur la question des contrôles aux frontières, Uwe Conradt, maire CDU de Sarrebruck, s’inscrit-il dans le sillage de la socialiste Anke Rehlinger ? 

Une partie non négligeable des Lorrains et des Sarrois font la navette entre la France et l’Allemagne – notamment pour le travail ou les études, mais aussi pour faire leurs courses et profiter des offres culturelles, et, dans cette région frontière, les couples franco-allemands sont nombreux. Les contrôles douaniers et policiers permanents à la frontière sont difficilement supportables pour ces populations qui vivent ensemble dans la région. De nombreuses personnalités politiques qui vivent le franco-allemand au quotidien – quel que soit le parti dont elles sont issues, mesurent les inconvénients d’une telle politique qui fait resurgir les frontières comme des barrières au sein de l’Union européenne. Le retour à la coopération antérieure faciliterait grandement le quotidien.

Le couple franco-allemand peut-il, à lui tout seul, reprendre le contrôle de la défense de l’Europe ? 

Donald Trump donne le sentiment qu’il pourrait se détourner de l’Europe. Aussi, la France et l’Allemagne doivent s’engager particulièrement pour renforcer la sécurité et la défense de l’Europe. En mai dernier, les dirigeants français et allemands se sont rendus à Kiev – non pas en binôme, mais accompagnés par leur allié polonais, directement menacé par la Russie, et du Royaume-Uni, puissance détentrice de l’arme nucléaire en Europe. Emmanuel Macron et Friedrich Merz ont l’occasion de jouer un rôle majeur dans la défense de l’Europe et renforcer leur leadership diplomatique en ouvrant le bilatéralisme à d’autres pays européens.

Le couple franco-allemand peut-il réellement exercer un leadership diplomatique commun, alors que leurs positions diffèrent parfois sur des dossiers sensibles ? 

On verra dans les prochains mois. La fenêtre de tir française est courte, car la campagne électorale en vue de la présidentielle commencera dans moins d’un an. Donald Trump crée une urgence aussi pour faire avancer l’Europe. Si l’Union européenne ne parvenait pas à avancer sur les questions militaires et stratégiques, elle reculerait.

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