Un millénaire de patrimoine juif photographié et exposé à Bouxwiller
Le musée judéo-alsacien de Bouxwiller accueille actuellement l’exposition “Dix siècles de judaïsme - Regards sur le patrimoine juif du Grand Est”. Une cinquantaine de photos présente le patrimoine juif alsacien, sans équivalent sur le territoire français, des synagogues lorraines nombreuses à être classées et des sites de Champagne, terre du talmudiste Rachi à la renommée universelle.

A Bouxwiller, dans le Bas-Rhin, l’ancienne synagogue a bien failli finir… en parking de supermarché. Typique des années 1980, cette pratique expéditive a été évitée grâce à l’efficace mobilisation d’une association, engagée dans sa transformation en musée judéo-alsacien. Ouvert en 1998 dans cet édifice du XIXème siècle, il retrace l’histoire et la culture de la communauté juive en Alsace, à travers des objets et images ou encore grâce à la reconstitution de petites scènes.
Une exposition temporaire vient, chaque année, apporter un éclairage complémentaire. En l’occurrence, depuis ce printemps et jusqu’au 30 octobre, une cinquantaine de photos illustrent “Dix siècles de judaïsme - Regards sur le patrimoine juif dans le Grand Est”. Elles proviennent de l’Inventaire général du Patrimoine culturel. Avant Bouxwiller, cette expo avait été présentée une première fois à Strasbourg puis, en 2024, à Troyes, ville natale du renommé rabbin et talmudiste champenois Rachi. C’est aussi dans la préfecture de l’Aube que nombre d’optants d’Alsace-Moselle de confession juive ont trouvé refuge après l’annexion de leur région en 1870.
En Alsace, un potentiel pour l’Unesco
L’Alsace, en dépit de sa petite superficie, est l’un des hauts lieux de la culture juive européenne et son patrimoine s’étend de la période médiévale au XXème siècle. Une richesse qui est sans équivalent sur le territoire français. Plusieurs personnalités alsaciennes plaident ainsi pour une inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco, à l’instar de l’inscription des sites juifs du SchUM (acronyme tiré des noms hébreux des villes de Spire, Worms et Mayence) en 2021, puis d’Erfurt en 2023.
Un demi-siècle d’étude
Plus de 200 lieux dont environ 120 synagogues, mais aussi des bains rituels ou des cimetières, sont recensés en Alsace. Toutefois, à l’image des vestiges d’une synagogue du XIIème siècle, mêlés à la façade d’une simple maison à colombages dans la petite ville haut-rhinoise de Rouffach, de nombreux sites spécifiques sont fermés, abandonnés ou inclus dans des propriétés privées.
L’intérêt de l’exposition est donc à la fois de zoomer et d’élargir le focus à l’ensemble du Grand Est. Les photographies sont issues de plus d’un demi-siècle d’étude de l’Inventaire général. Elles donnent à voir des architectures d’exception, des pièces d’orfèvrerie, des objets de la vie quotidienne…

L’affiche de l’exposition temporaire visible jusqu’au 30 octobre. DR
Un inventaire du patrimoine fragile
Chargé de recenser, d'étudier et de diffuser auprès d’un large public les trésors du patrimoine de la France, l’Inventaire général - qui n’a pas de caractère juridique, à la différence des Monuments historiques - poursuit ce travail de fond. En octobre 2024, le service de l’Inventaire de la Région Grand Est a démarré une enquête en Alsace sur les synagogues, maisons et écoles juives, les bains rituels, les cimetières israélites…. Et ce, en partenariat scientifique et financier avec la Conservation régionale des Monuments historiques.
Dans le même ordre d’idée, l’Inventaire général avait initié en 2006, en Lorraine, une étude mettant plus spécifiquement l’accent sur ce qui risquait le plus de disparaître, dont des objets comme les mappoth (bandes de tissu entourant la Torah), des livres, des synagogues désaffectées et des cimetières dont celui de Frauenberg.
Rayonnement européen du champenois Rachi
Du côté de la Champagne-Ardenne, un inventaire thématique du patrimoine juif a été lancé en 2019. L’une des singularités de cette région est d’avoir été au cœur d’un rayonnement européen grâce au rabbin et commentateur Rachi (1040-1105). Natif de Troyes, il a notamment étudié dans les écoles talmudiques rhénanes, à Mayence et à Worms. Son œuvre, immense, à la portée du débutant comme de l’érudit, a également inspiré des théologiens chrétiens dont Martin Luther. Troyes abrite d’ailleurs aujourd'hui l'Institut universitaire et culturel européen Rachi.
Le hall d'accueil du musée judéi-alsacien de Bouxwiller. DR