Troyes rallume la querelle des vitraux de Notre-Dame de Paris
La Cité du vitrail, à Troyes, présente jusqu’au 5 janvier l’exposition “La Querelle des vitraux (1935-1965)”. Elle accompagne la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, prévue en décembre, et retrace une affaire qui fait écho à la controverse actuelle sur le remplacement de verrières non détruites par les flammes.
Notre-Dame de Paris ressuscite… même des polémiques oubliées. Pour accompagner la réouverture, en décembre prochain, de l’emblématique cathédrale, la Cité du vitrail de Troyes présente en ce moment une exposition intitulée “La Querelle des vitraux (1935-1965)”. A l’époque en effet, douze verriers renommés avaient proposé d’orner la nef de Notre-Dame de Paris de vitraux contemporains. Ce qui a déclenché un long et virulent bras-de-fer entre “anciens” et “modernes”. Le projet avait finalement été abandonné, puis s’est effacé des mémoires. Or, il n’est pas sans rappeler la vive controverse actuelle au sujet de vitraux dont l’Etat français souhaite confier la réalisation à des artistes internationalement réputés et associés à des ateliers verriers, dont potentiellement deux manufactures champenoises.
Une querelle rendue publique
Le vernissage de l’exposition “La querelle des vitraux”, visible jusqu’au 5 janvier à la Cité du vitrail de Troyes, s’est exceptionnellement tenue à Paris, gare de l’Est, ce mardi 17 septembre. Y participait notamment, et c’est significatif, monseigneur Olivier Ribadeau-Dumas, le “patron” de la cathédrale parisienne.
“Cette querelle méritait d’être présentée au plus large public, tant pour la qualité des œuvres qui en avaient été l’enjeu que pour l’actualité des débats”, avance Nicolas Dohrmann, conservateur général du patrimoine de l’Aube.
La Cité du vitrail et la Conservation régionale des Monuments historiques de la DRAC Ile-de-France se sont en effet associées pour faire restaurer et étudier les vitraux qui ont subsisté, oeuvres du révérend père Couturier, de Valentine Reyre, Jacques Le Chevallier, André Rinuy, Paul Louzier ou encore Jean Hébert-Stevens. Ils comptent parmi les douze maîtres verriers qui, en 1935, avaient émis l’idée de remplacer par leurs propres créations les verrières en grisaille d’Eugène Viollet-le-Duc, l’architecte qui avait restauré Notre-Dame de Paris au XIXème siècle. C’est cette affaire que retrace l’expo de Troyes.
Roses et lancettes
Labellisée “Notre-Dame de Paris: vers la réouverture”, l’exposition permet de découvrir, pour la première fois, une quinzaine de vitraux (lancettes et roses) tout comme une vingtaine de maquettes et esquisses, des tableaux et de nombreux documents d’archives (plans, photographies, articles de presse, etc.) qui parcourent les 30 ans de cet épisode, jusqu’en 1965. Pour Nicolas Dohrmann, les visiteurs “disposeront ainsi de quelques clés leur permettant de mieux appréhender les controverses qui, aujourd’hui, marquent régulièrement les chantiers de restauration”.
Pétitions et concours
L'idée, soutenue par le président de la République Emmanuel Macron, de reconstruire une flèche contemporaine sur la cathédrale parisienne a échoué à s’imposer. Celle de Viollet-le-Duc, entièrement détruite par l’incendie de 2019, a donc été refaite à l’identique. L’initiative concernant le remplacement de verrières historiques du XIXème siècle - épargnées par les flammes et destinées à être placées dans un musée - pourrait néanmoins connaître un sort différent. Car malgré l’opposition de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, les menaces de procès et des pétitions en ligne, le ministère de la Culture français a publié, le 4 septembre dernier, la liste des huit candidats présélectionnés pour la création de six baies contemporaines. Il s’agit à chaque fois de binômes, composés d’un artiste et d’un atelier verrier. L’Auboise Flavie Vincent-Petit est la seule finaliste à y figurer à un double titre: individuellement comme artiste et en association avec Daniel Buren (à l’origine notamment des colonnes du Palais royal à Paris) en tant que présidente de la manufacture Vincent-Petit de Troyes. Deux autres ateliers verriers français restent également en lice dont l’atelier multi-centenaire Simon-Marq à Reims. Leurs projets doivent être remis le 4 novembre prochain.
Strasbourg, Metz et Reims osent la modernité
“S’il y a bien un élément constitutif de cathédrale qui a évolué depuis l’édification des grandes cathédrales françaises, c’est le vitrail. Par destruction, guerre, bataille… Ou goût de l’époque: grisaille au XVIIIème, néogothique fin XIXème, années 1930, contemporain…”, relève un fin connaisseur de l’architecture civile, militaire et religieuse. En témoignent, entre autres, les vitraux de Chagall dans les cathédrales de Reims et de Metz ou encore la pièce moderne de l’artiste Véronique Ellena qui a été inaugurée en 2015 à Strasbourg, à l’occasion du millénaire de l’édifice.
“La Rose du credo” de Jacques Le Chevallier, vitrail réalisé vers 1937. © Cité du vitrail