De l’Afrique au Japon, un été d’évasion dans les musées
La cité helvète propose une offre muséale digne des plus grandes métropoles européennes. A commencer par le Kunstmuseum qui explore, cet été, l’art figuratif africain et les estampes japonaises.
Bâle tient une place singulière dans l’univers de l’art. Les collections de son Kunstmuseum (Musée des beaux arts) révèlent un riche patrimoine historique, lié à la prospérité de la ville et à sa situation sur l’axe reliant les deux foyers économiques et culturels européens de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, Italie du nord et Flandres. Cette veine artistique s’est inscrite profondément dans l’identité de la cité et se poursuit aujourd’hui. Art Basel, la plus grande foire d’art contemporain au monde, s’y tient tous les printemps. La fondation Beyeler présente des expositions originales ou conçues en partenariat avec les plus grands musées du monde. Cet été, le Kunstmuseum éclaire de façon inédite l’art figuratif africain, en réunissant 150 œuvres qui balayent un siècle de création dans “When we see us”.
De la peur à la joie des Noirs
L’exposition a été conçue au sein du plus grand musée du monde dédié à l’art contemporain africain, le Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa du Cap, en Afrique du sud, où elle a été présentée jusqu’en septembre dernier. Son titre s’inspire de celui de la mini-série de l’Afro-américaine Ava DuVernay, produite par Netflix. La réalisatrice y dépeint la perception par des Blancs, de jeunes Noirs comme des criminels en puissance, alors qu’ils sont innocents. L’exposition, accueillie dans le bâtiment « Gegenwart » (présent) au bord du Rhin, renverse la table, invitant à embrasser les visions que les Africains portent sur eux-mêmes : le « When they see us » (comment ils nous voient) de la série se transforme en « When we see us ».
Pour éliminer les stéréotypes, les commissaires africains se sont appuyés sur le quotidien et la « puissance de la joie ». Des tableaux tels que Boy with a Toy Plane (1938) d’Aaron Douglas, The Reader (1939) de William H. Johnson et Gisting in the Kitchen (2018) de Joy Labinjo illustrent la beauté inscrite au creux de la vie de tous les jours. La chanson est au rendez-vous dans The Birthday Party (2021) d’Esiri Erheriene-Essi, les festivités battent leur plein dans Un mardi de Carnaval (1960) de Philomé Obin et les rythmes musicaux vibrent dans Jazz Rhapsody (1982) de Romare Bearden. Les corps noirs sont aussi présentés de manière intime et avec aplomb, comme dans Le modèle noir, d’après Félix Vallotton, de Roméo Mivekannin.
Estampes japonaises et Picasso
Le voyage se poursuit en Asie, dans le nouveau bâtiment (dit Neubau) du Kunstmuseum. L’exposition temporaire “Made in Japan” présente une sélection d’estampes de Hiroshige, Kunisada et Hokusai tirées de la très réputée collection de l’institution bâloise (jusqu’au 21 juillet). Des tubes fluorescents de Dan Flavin (1933–1996), Dédicaces en lumière, y sont aussi rassemblés (jusqu’au 18 août). La collection permanente, mise en valeur par une autre exposition temporaire sur les perles du cabinet des estampes (jusqu’au 11 août), est de haute volée, depuis les maîtres anciens (Holbein, Baldung Grien, Cranach, Rembrandt, etc.) jusqu’à ceux du XIXe et du XXe siècle (Cézanne, Renoir, Gauguin, Van Gogh, etc.). Rappelons qu’un ensemble unique de Picasso est rassemblé au musée. En 1967, la population du canton s’était mobilisée pour conserver deux toiles du cubiste ; touché, celui-ci avait fait don de quatre de ses œuvres.
Balade d’art contemporain
À quelques encâblures, dans une petite maison du centre-ville ancien, le Cartoonmuseum a conçu une grande rétrospective consacrée à l’artiste américain Richard McGuire. L'éventail va des illustrations pour The New Yorker, en passant par les livres pour enfants, jusqu’aux originaux de son dernier roman graphique Here, distingué notamment par un Fauve d’or du Festival de la bande dessinée d’Angoulême.
Dans les faubourgs cossus de la ville frontalière de la Bade, à Riehen, la fameuse fondation d’art moderne et contemporain Beyeler organise pour la première fois une vaste présentation expérimentale d’art contemporain dans le musée et son parc. The lateness of the hour est conçue comme un « organisme vivant » en évolution et en transformation permanentes, grâce aux contributions de près d’une vingtaine d’artistes internationaux (jusqu’au 11 août).
The Birthday Party, Esiri Erheriene-Essi, 2021. © bei der Künstlerin / the artist - Courtesy of Jorge M. Pérez Collection, Miami