Le tunnel ferré Herzstück à nouveau près d’être enterré
Une étude commandée par le gouvernement fédéral propose de sortir des priorités nationales la réalisation de la traversée souterraine « Herzstück » pensée pour désengorger la ville frontalière. Ses échéances avaient déjà é repoussées. Elus et acteurs économiques remontent au créneau pour la défendre, comme un maillon nécessaire du RER trinational.

Une douche froide s’abat sur les élus et les acteurs économiques de Bâle qui espéraient doter l’agglomération d’une offre ferroviaire à la hauteur de son expansion, comme Zurich et Genève en ont bénéficié dans un passé récent. Le cœur de ce projet, le « Herzstück », liaison souterraine de traversée de la ville-frontière, disparaît des priorités des nouvelles infrastructures de transport à l’échelle nationale, telles que déterminées par l’étude « Verkehr 45 » (Transports 45). Celle-ci a été commandée par le gouvernement à l’école polytechnique fédérale (EPF) de Zurich.
Selon ce rapport restitué en octobre, le Herzstück ne serait à prendre en considération qu’au-delà de 2045, repoussant ainsi sa – potentielle – émergence à la seconde moitié du siècle. En attendant, le trafic a toutes les chances de continuer à s’engorger, transformant Bâle, « non en la porte vers la Suisse, mais en goulot d’étranglement », critiquent dans une position communes les deux cantons de Bâle-ville et Bâle-campagne et la CCI commune HKBB (Handelskammer beider Basler). « Ce serait rendre le déficit d’infrastructures impossible à rattraper », ajoutent-ils.
Le scénario par étapes mis à mal
La mauvaise nouvelle pour les partisans du Herzstück tient aussi dans le raisonnement de l’auteur de l’étude, Ulrich Weidmann. Le professeur en systèmes de transport à l’EPF considère la réalisation par étapes du projet comme non pertinente car faisant courir le risque de s’arrêter au milieu du gué. Or cette progression pas à pas fonde la stratégie des partisans bâlois du Herzstück, conscients que le coût, de l’ordre de 2 milliards d’euros, demande de prendre son temps.
L’étude fait fi de la dimension transfrontalière visant à la constitution d’un RER trinational, sous l’égide notamment de l’association Trireno.

Emanuel Barth, directeur de Trireno. © Trireno
« Le rapport ne prend pas en considération le travail de coordination entre autorités, exploitants de réseaux et entreprises de transport des trois pays. Il se concentre sur la partie suisse, ignorant les composantes française et allemande », observe Emanuel Barth, directeur de Trireno.
Impact des chantiers transfrontaliers
Or, les hausses de capacité attendues aux frontières dans les prochaines années et jusqu’en 2045 vont accroître les risques de saturation si rien n’est entrepris à Bâle même, plaide Trireno. La problématique est particulièrement aigüe côté allemand avec la poursuite et la fin du doublement de voie dans tout le Pays de Bade depuis Karlsruhe (la Rheintalbanh) ou encore l’électrification de la ligne Hochrheinbahn depuis Waldshut. Le caractère tendu de la situation est démontré par l’impact sur les TER du Grand Est des travaux qui démarrent actuellement et jusqu’en 2020 dans les tunnels Schützenfeld et Kannenmatt pour le développement du fret, sur la ligne se poursuivant à Saint-Louis.
Les élus de Bâle vont donc partir au créneau pour « corriger sur le plan politique ces conclusions inacceptables », fustige Esther Keller, déléguée aux travaux à Bâle-ville. « Une réaction trinationale serait pertinente », suggère Emanuel Barth « mais il faudra que le moment en soit bien choisi ». L’avenir réservé à cette étude reste en effet incertain. L’office fédéral (ministère) des Transports doit présenter au Parlement dès début 2026 une liste de projets à intégrer dans les schémas directeurs nationaux (Ausbauschrittte) des routes et des voies ferrées. Mais il reste libre de cette liste et rien ne dit que l’étude de l’EPF ne finira pas aux oubliettes.
Le retour inattendu du Rheintunnel routier
L’étude apporte néanmoins un motif de satisfaction aux élus et acteurs économiques de Bâle : elle replace dans les priorités la construction du tunnel routier sous le Rhin (Rheintunnel) le long de l’A2, dont le coût avoisine également les 2 milliards de coût, qu’ils défendent tout aussi ardemment.

Réunion du Komitee pro Rheintunnel associant élus et acteurs économiques de la région bâloise. © HKBB
Or, celui-ci été recalé au même titre que d’autres projets suisses il y a un an, en novembre 2024, par l’effet du rejet par référendum du projet d’élargissement des autoroutes dans le pays. Son retour par la fenêtre de ce rapport laisse quelque peu perplexe. Pour les Bâlois en tout cas, le développement des infrastructures doit aller de pair, sur le rail et la route, pour ne pas asphyxier la troisième métropole du pays.
Le projet de RER trinational de Bâle. © Trireno