Grande Région

Les stations thermales jouent la carte sensorielle

En Sarre, à Spa, à Mondorf ou a Amnéville, les stations thermales voient affluer une clientèle de plus en plus demandeuse de découvertes sensorielles. Elles ont surmonté les épreuves de la crise sanitaire et préparent de nouveaux investissements pour conforter leurs atouts respectifs, résister à la concurrence et séduire la clientèle transfrontalière.

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© André Faber

Ancrée dans la culture de l’ex-empire romain depuis deux millénaires, la culture thermale conserve sa vigueur. Des bords du Rhin à la Wallonie, l’espace frontalier a vu ressurgir, notamment au XIXème siècle, des bains et stations à vocation thérapeutique. Les thermes de Mondorf-les-Bains (Luxembourg) qui remontent à 1847, la station vosgienne de Vittel créée en 1855, les bains de Spa, ouverts en Wallonie en 1868, ou encore, ceux de Baden-Baden (Bade-Wurtemberg) instaurés 1877, témoignent d’une soif inextinguible d’eau chaude et de bien-être. Ces berceaux du thermalisme européen, rejoints par de nouveaux-venus revendiquant les mêmes bienfaits, ont peu à peu intégré des dimensions thermoludiques et de bien-être. Ni la crise sanitaire, ni la flambée des prix de l’énergie ne leur ont été fatals et nombre d’établissement peaufinent des projets d’investissement pour offrir à leur clientèle luxe, calme et volupté.

Les projets de Mondorf réémergent

Propriété de Mondorf-les-Bains, commune luxembourgeoise frontalière de la France, le Domaine de Mondorf a conservé une vocation strictement médicale jusqu’en 1988, avant d’ouvrir des espaces de fitness, de wellness et de spas. Trente ans plus tard, l’établissement a programmé un projet de rénovation et d’agrandissement d’un montant de 140 millions d’euros… que la crise sanitaire a fait tomber à l’eau.

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© Domaine de Mondorf

 Le Domaine de Mondorf, qui revendique aujourd’hui entre 350.000 et 400.000 visiteurs et 6.000 curistes par an, a retrouvé, voire dépassé sa fréquentation d’avant-Covid. Les futurs travaux ne sont pas encore arrêtés, mais ils reviennent à l’ordre du jour.

Marie-Anne François

Marie-Anne François, responsable marketing et communication du Domaine de Mondorf. Dr

« Nous voulons séparer le flux des curistes et celui des touristes. Le projet en cours de définition consiste à surélever le bâtiment principal pour ouvrir la vue sur nos 45 hectares d’espaces naturels. La piscine thermale sera également agrandie pour proposer aux baigneurs de nouvelles expériences », indique Marie-Anne François, responsable marketing et communication du Domaine de Mondorf.

Largement ouvert à la clientèle frontalière l’espace d’une journée – à partir de 28 euros - ou pour des minicures de deux ou trois jours, le Domaine accueille aussi des curistes lorrains pris en charge par l’assurance-maladie française dans le cadre de pathologies liées à l’obésité, de problèmes articulaires et de difficultés respiratoires. L’établissement ouvre également ses salles de réception et son orangerie aux événements privés et professionnels et déploie une formule Healthcare @Work au Luxembourg et en France. Les professionnels de santé de Mondorf se rendent dans les entreprises adhérentes pour prodiguer à leurs salariés des conseils de nutrition, d’activité physique et de résistance au stress.

A Spa, le plaisir en cabines

Jadis implanté au cœur de Spa, dans les Ardennes belges, les thermes de Spa fêtent cette année les 20 ans de leur relocalisation sur les hauteurs de la ville. Les activités thermoludiques des piscines thermales intérieures et extérieures en constituent le produit d’appel, mais le cœur de l’offre réside dans les 60 cabines de soins – balnéothérapie, soins esthétiques, massage ou relaxation – réparties sur deux étages.

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© thermes de spa.

La crise sanitaire a obligé l’établissement à fermer durant six mois à deux reprises, mais cette contrainte s’est avérée positive : les thermes de Spa, exploité par le groupe français Eurothermes, ont renoué avec la fréquentation de 180.000 visiteurs – dont 7 % de Français - constatée avant le Covid et ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 25 % pour atteindre 9 millions d’euros en 2023.

Séverine Philippin

Séverine Philippin, directrice de l’établissement. Dr

« Nous avons maintenu certaines restrictions liées à la crise sanitaire : nous ne recevons plus les groupes, ni les enfants en-dessous de 15 ans. Nous évitons ainsi les groupes de touristes, souvent asiatiques, qui faisaient irruption dans l’établissement le temps de prendre des photos et troublaient la tranquillité des lieux. En nous recentrant sur une clientèle adulte et sur les soins, le panier moyen a nettement progressé », indique Séverine Philippin, directrice de l’établissement.

Les soins attirent désormais 35.000 visiteurs, grâce à des forfaits compris entre 150 et 330 euros pour la journée. Reliés à la ville par un funiculaire, les thermes réservent un accès direct aux clients de l’hôtel quatre étoiles Radisson Blu. Les projets de l’établissement ne portent donc pas sur l’hôtellerie, mais sur la diversification de l’offre. « Nous sommes l’un des berceaux du thermalisme européen, mais la clientèle allemande n’y retrouve pas les grands espaces naturistes et la profusion de saunas et de hammams à laquelle elle s’attend. Les travaux que nous envisageons consisteraient à élargir notre offre pour proposer plus de sensations et d’expériences de relaxation », complète Séverine Philippin.

La Sarre scinde ses offres

En Sarre, la société Schauer & Co. GmbH, basée à Überlingen, au bord du lac de Constance et détenue par l’ancien champion de natation Andreas Schauer, a inauguré en 2012 les Saarland Therme de Rilchingen-Hanweiler, accolés à la frontière mosellane. L’établissement compte parmi ses actionnaires la Communauté d’agglomération Sarreguemines Confluences, le Land de Sarre, la commune sarroise de Kleinblittersdorf et le Regionalverband de Sarrebruck. Il utilise l’eau thermale locale, enrichie de magnésium, d’iode et de calcium, pour proposer une centaine d’activités thermoludiques dans un décor hispano-mauresque.

Soucieux de préserver la tranquillité de ses clients, Saarland Therme réserve depuis juin 2023 l’accès à ses bassins et saunas à une clientèle adulte, à partir de 25 euros pour un forfait de deux heures. Le jeune public sarrois et mosellan se presse au centre aquatique Calypso, détenu par la Ville de Sarrebruck et exploité par Scheuer & Co, dont les piscines, les toboggans et les saunas sont accessibles à partir de 20 euros la journée et gratuits pour les tout-petits.

Andreas Schauer

Andreas Schauer. DR

« Dans les années 60 et 70, l'accent était mis sur les piscines sportives. Dans les années 80, les piscines thermales étaient en vogue. Dans la décennie suivante, les piscines de bien-être ont suivi. Aujourd'hui, l’expérience sensorielle, le bien-être et la santé sont au premier plan. Les exigences en matière de baignade ont changé, le public des thermes est plus jeune et plus orienté vers l'expérience », explique Andreas Schauer.

Les Saarland Therme et le Calypso revendiquent une fréquentation annuelle cumulée de 1,3 million de clients mosellans et sarrois, accueillis par une centaine de salariés bilingues et binationaux. Les Thermes envisagent la création d’un hôtel de 31 chambres et suites de standing, dont les travaux devraient commencer cette année.

Saarland Therme

© Saarland Therme

Certifiée, Amnéville se remet à flots

En Moselle, le centre thermal et touristique d’Amnéville a accueilli sur le même site – mais dans des enceintes séparées – 11.200 curistes majoritairement locaux dans l’établissement thermal Saint-Eloy, 355.400 visiteurs pour le complexe thermoludique populaire Thermapolis et 181.000 visiteurs à la Villa Pompéi, qui propose des spas et soins plus haut de gamme. Enregistrée en 2023, cette fréquentation marque une progression moyenne de 8 % par rapport à 2022.

Exploitant, depuis 2021, des infrastructures thermales détenues par la société publique locale « la Cité des Loisirs », le groupe Arenadour basé à Dax, dans les Landes, annonce l’obtention imminente du label Aquacert. Première station du Grand Est à obtenir cette certification – que ne détiennent que 23 stations françaises -, Saint-Eloi propose depuis l’automne 2023 de courtes cures de cinq jours pour soulager les douleurs rhumatologiques et les difficultés respiratoires. Dédiées à une clientèle active, les « Afterwork » ont réuni 127 participants au cours de 17 soirées en 2023 et se poursuivront cette année. Le pôle thermal lance également le programme « vivre avec ses douleurs » qui associe groupes de parole, sophrologie et hypnothérapie.

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Application de boue au centre Thermal Saint-Eloy © David Duchon-Doris – Pôle Thermal d’Amnéville.

Un plan thermal pour le Grand Est

Créée en 2016, la Fédération thermale du Grand Est (FGTE ) se propose de promouvoir les neuf stations régionales : Amnéville-les-Thermes (Moselle), les vosgiennes Plombières-les-Bains, Bains-les-Bains, Vittel et Contrexéville, les alsaciennes Morsbronn-les-Bains et Niederbronn-les-Bains, la champenoise Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne) et la Station thermale de Nancy dont l’ouverture en 2023 a été contrariée par des problèmes de non-conformité de l’eau.

Jean-Jacques Gaultier

Jean-Jacques Gaultier, député Les Républicains des Vosges. DR

« Notre fédération constitue à la fois une structure de réflexion, de concertation et de promotion. Nous avons notamment organisé les Rencontres internationales du thermalisme et du bien-être en novembre 2023 à Nancy. Nous menons également des réflexions sur les enjeux environnementaux du thermalisme, qu’il s’agisse de l’augmentation du coût des fluides ou de la simple gestion de la ressource principale : l’eau », précise Jean-Jacques Gaultier, médecin, député Les Républicains des Vosges, ancien maire de la ville thermale de Vittel.

Vice-président du groupe parlementaire d’étude sur le thermalisme au Parlement, l’élu milite contre les menaces de déremboursement de la Sécurité Sociale et s’attache à démontrer les services thérapeutiques rendus. Les cures thermales représentent en moyenne les trois quart des revenus des stations françaises. Leur intérêt se confirme tant dans les pathologies liées au vieillissement que dans de nouvelles indications telles le traitement post-cancer du sein ou post covid. Forte de ces arguments, la FGTE compte définir un plan de développement du thermalisme régional à l’horizon 2028.

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