Né dans le Palatinat, un cépage résistant s’implante en France
Particulièrement résistant aux champignons, le calardis blanc a été mis au point par l’Institut de sélection de la vigne Julius Kühn, à Siebeldingen. Issu d’un croisement, ce raisin vient d’être autorisé dans l’Hexagone et pourra être déployé en Europe, à l'initiative d'un pépiniériste viticole français.

Un nouveau cépage blanc vient d’être autorisé en France et son nom s’inspire d’un ancien cloître cistercien situé sur la route des vins du sud du Palatinat. Au-delà de ces singularités, l’arrivée du calardis blanc - la dénomination officielle de ce raisin particulièrement résistant aux champignons - est surtout porteuse d’une vision à long terme, de part et d’autre de la frontière.
Petit flashback. Calardiswilre est le nom historique du Geilweilerhof, un domaine implanté à Siebeldingen, village viticole typique entre Neustadt an der Weinstrasse et Karlsruhe. C’est là qu’est installé le centre de sélection de la vigne (Rebenzüchtung) du Julius Kühn Institut (JKI), l’un des trois que compte le pays, avec ceux de Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg) et de Geisenheim (Hesse). Clin d’œil, le nouveau cépage, issu d’un croisement réalisé par le Julius Kühn Institut, a été baptisé calardis blanc. Et il a pour qualité première, parmi d’autres aptitudes, de combiner plusieurs résistances aux champignons tels que le mildiou, l’oïdium et le black-rot - la pourriture noire. L’atout est non négligeable, en particulier pour les vignobles de la partie septentrionale de la France, Grand Est compris.
“Une petite révolution”
Le 29 juillet dernier, le pépiniériste viticole Mercier, groupe dont le siège est à Vix (Vendée), s’est vu confier la responsabilité du maintien du calardis blanc à la suite de son inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.

Olivier Zekri, directeur adjoint des pépinières viticoles Mercier et responsable de son laboratoire de recherche Novatech. DR
“Mercier s’est lancé dans la création variétale en 2018 et est devenu sélectionneur variétal, ce qui constitue une petite révolution dans notre milieu. On a voulu s’émanciper”, explique Olivier Zekri, directeur adjoint du pépiniériste et responsable de son laboratoire de recherche et développement (R&D) Novatech. La sélection variétale est en effet gérée habituellement par la recherche publique, via l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).
Des cépages toujours plus vulnérables
Pour le groupe vendéen, dont une bonne part du chiffre d’affaires est tournée vers l’export, la démarche s’inscrit dans un contexte global. Il lui faut répondre à “une problématique forte qui ne cesse de s’accentuer depuis 2017: les cépages se fragilisent de plus en plus sous l’effet des maladies”, poursuit Olivier Zekri. En toile de fond il y a une filière viticole en souffrance notamment en raison du dérèglement climatique, la nécessité de réduire le recours aux produits phytosanitaires, dont les fongicides, tandis que l’usage du soufre et du cuivre, utilisés dans l’agriculture bio, a ses limites.
Le pépiniériste français a donc noué des relations de travail et de développement avec des instituts de sélection de la vigne italien, suisse et, côté allemand, avec le JKI. Outre-Rhin, “la dynamique de création variétale ne s’est jamais arrêtée”, observe le directeur adjoint.
Le contrat avec l’Institut de Siebeldingen permet au groupe Mercier de déployer le calardis blanc en France, mais aussi dans l’Union européenne (hors Allemagne où ce raisin a eu l’agrément de l’Office fédéral des variétés végétales en 2020), en Grande-Bretagne, au Chili ou encore en Argentine.
Vins neutres ou aromatiques
Cette variété est née, très précisément, d’une hybridation dite interspécifique entre le calardis musqué et le Seyve Villard 39-639. “Le calardis blanc produit des vins neutres ou aromatiques. Il a de vraies vertus pour faire des vins de base de la bulle et des vins tranquilles”, décrit Olivier Zekri. Plus précoce que le riesling, il est réputé pour avoir un bon rendement et un potentiel d’alcool pas trop élevé. Pour autant, “nous n’avons pas encore assez de recul. Il va falloir tester. Dès l’année prochaine, il va être réellement distribué. Ce sera le juge de paix.”
Sans oublier la cave à vins
La collaboration entre le pépiniériste Mercier et le JKI à Siebeldingen - dont le responsable, le dr Oliver Trapp, s’est rendu dernièrement en Vendée - se poursuit en vue de tester de nouvelles variétés en cours de développement en Rhénanie-Palatinat.
Le JKI, qui a mis en point le calardis blanc en 1993, mène depuis les années 1970 des recherches davantage axées sur les variétés résistantes aux champignons, le plus connu étant le cépage rouge Régent. D’ailleurs, le domaine du Geilweiherhof abrite également une cave et vend des vins tirés non seulement de cépages courants comme le riesling et le chardonnay, mais aussi d’autres variétés tel le calardis blanc musqué.

Le calardis blanc est notamment intéressant pour la production de vins effervescents. ©Groupe Mercier
©Dessin André Faber