Destin(s) suit son cours

La  conférence ministérielle Culture de la Grande Région, qui s’est réunie le 18 mars au nouveau centre culturel l’Arche de Villerupt, a dévoilé les lauréats de l’appel à projets Destin(s), qui invitait les historiens à mettre en lumière des événements ou des parcours révélateurs de l’histoire régionale. Les propositions des 9 lauréats – sur 12 candidats –  témoignent d’un foisonnement de recherches enrichies par un contexte transfrontalier particulièrement complexe.

Chercheurs universitaires chevronnés,  professionnels devenus historiens sur le tard ou jeunes doctorants majoritairement français ont composé une mosaïque courant sur quatre siècles fortement marqués par les guerres. L’un des chercheurs rend hommage au passeur alsacien Michel Ferry, qui a  guidé 978 personnes sur le sentier de Salm à Moussey entre 1940 et 1944, et aux réseaux qui permirent le transit  vers la zone libre française. Le travail sur « les prisonniers de guerre alsaciens-lorrains lors de la Première Guerre mondiale » remonte à la genèse d’une identité particulière de soldats nés allemands, considérés comme les perdants de cette guerre, mais réintégrés dans le camp des gagnants à la faveur des rectifications de frontières. 

Au début du XXème siècle, Jean de Bertier (1877-1926) sut tirer parti des déplacements de frontières grâce à des investissements transfrontaliers, notamment dans la sidérurgie. Le projet qui lui est consacré retracera la carrière  militaire et politique du sénateur de la Moselle, mais aussi les particularités économiques grand-régionales de la période 1903-1926.

Le jeune historien belge Achille Verschoren remonte pour sa part à l’effondrement de l'Empire napoléonien entre 1813 et 1815  pour analyser  les motivations des soldats belges tiraillés entre la France, leS Pays-Bas et l’espace germanique.  

D’autres lauréats apporteront leur contribution à l’histoire d’épopées collectives radicalement différentes, mais révélatrices d’un terreau fertilisé par le passage des frontières proches ou éloignées. Arrivés en Lorraine, en Belgique et au Luxembourg au début du XXème siècle, les immigrés italiens ont réalisé à partir des années 1970 des œuvres littéraires et cinématographiques qui feront l’objet d’un travail spécifique. Le chercheur strasbourgeois Martial Libera revient pour sa part sur L'Union des chambres de commerce rhénanes (UCCR), association consulaire transfrontalière créée en 1949 pour aménager le Rhin et les routes fluviales. Les entrepreneurs rhénans sont ainsi devenus des pionniers de la coopération transfrontalière.

Des destins individuels se sont également faufilés dans la liste des lauréats. En 1790, le moine lorrain  Jean-Antoine-Daniel-Léopold Knoepffler préféra quitter le clergé plutôt que de signer la Constitution civile adoptée par l’assemblée. Il se maria et ouvrit un commerce de vins de Bourgogne, mais il fut soupçonné d’espionnage et emprisonné pour trahison avant de se réfugier à Mayence. Seul personnage répertorié par Wikipédia, le philosophe Pierre Hadot a navigué entre les  conversions et les influences d’Outre-Rhin.

Chacun de ces projets fera l’objet d’une publication scientifique et d’un colloque les 21 et 22 juin prochains. La Grande Région prévoit également d’instaurer des passerelles pour rendre ces travaux accessibles à l’enseignement secondaire. Des créations audiovisuelles pourraient également rendre hommage à des destins d’exception.