La Pleine lune de Pina Bausch surplombe Mulhouse
Pour fêter son trentième anniversaire, la Filature de Mulhouse invite la troupe de la chorégraphe allemande de renommée mondiale Pina Bausch, le Tanztheater Wuppertal. Avec leur pièce « Vollmond » (« pleine lune »), les 12 danseurs et danseuses ajoutent une nouvelle étape à leur tour du monde.
En 2006, trois ans avant sa mort, Pina Bausch a créé l'un de ses derniers grands chefs-d'œuvre : « Vollmond », une exploration ludique et passionnée de l'élément eau, une ode à la nature et une déclaration d'amour à l'humanité. Depuis, sa troupe, le Tanztheater Wuppertal, entretient le souvenir de la grande dame du Tanztheater allemand en continuant à faire le tour du monde avec « Vollmond » : New York, Oslo, Milan... et maintenant Mulhouse. Si la Filature de Mulhouse invite régulièrement des troupes étrangères, la venue des danseurs de Pina Bausch est un moment particulier pour le directeur de la salle de spectacle, Benoît André.
Benoît André, directeur de la Filature Mulhouse © Sébastien North
« Pina Bausch a inventé beaucoup de choses, elle a créé une danse d'une humanité, d'une générosité, d'une inventivité aussi d'un humour qui est très riche. Quand le Tanztheater Wuppertal m’a annoncé en décembre l’année dernière qu’il était libre cette année, c’était un peu mon cadeau de Noël. »
Pour faire venir la danse-théâtre à Mulhouse, la Filature a misé sur son partenaire de longue date en Suisse, le Théâtre La Coupole, et a conclu un nouveau partenariat avec le Théâtre du Jura.
Tanztheater et Terrain, un projet franco-allemand
Dans la lumière scintillante de la pleine lune, les 12 danseurs et danseuses du Tanztheater survolent la scène pendant près de deux heures et demie. Ils sautent à travers les douves et passent devant le grand rocher, élément central du décor onirique de Peter Pabst. La troupe est dirigée par Boris Charmatz, son nouveau directeur artistique depuis août 2022. Bien que le danseur et chorégraphe français réside désormais à Wuppertal en Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour pouvoir s'occuper pleinement de la danse-théâtre, il a une deuxième troupe de danse, appelée Terrain, basée dans la région Hauts-de-France. Le dernier projet de Charmatz est de réunir les deux groupes et de créer ainsi un échange par-delà les frontières.
Boris Charmatz, chorégraphe français et nouveau directeur du Tanztheater Wuppertal © Duncan Elliott
« Ce sont deux structures qui se complètent et on fait beaucoup de projets ensemble. C’est extraordinaire de voir ces deux équipes se mélanger. On parle toujours du lien franco-allemand mais nous, on veut l’incarner, on veut créer des liens entre la France et l’Allemagne et surtout entre la région Hauts-de-France et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, symboliquement mais aussi artistiquement. »
Hauts-de-France et Rhénanie-du-Nord-Westphalie - deux régions qui ont de nombreux points communs, de leurs paysages à leur dépendance au charbon, à l'acier et au textile, en passant par leurs efforts communs dans la lutte contre le changement climatique. Et quoi de mieux pour rapprocher deux cultures que le langage universel de la danse ? « Pina Bausch n'aimait pas dire qu'elle était une danseuse chorégraphe allemande, elle se voulait universelle » raconte Boris Charmatz. « Elle a réussi à trouver un langage par cette forme de danse théâtre qui parle à tout le monde. »
Pina Bausch, qui a créé avec « Vollmond » une pièce dont les thèmes autour du climat et de la solidarité interpersonnelle sont toujours très actuels, souhaitait que sa troupe continue d'avoir une influence au-delà de Wuppertal après sa mort - un souhait que Boris Charmatz sait bien réaliser.
Les 30 ans de la Filature
Il y a 30 ans, en septembre 1993, l'architecte français Claude Vasconi inaugurait la Filature à Mulhouse, sur le site d'une ancienne usine de coton. Aujourd'hui, le lieu propose non seulement une salle d'exposition et une médiathèque, mais il accueille également l'Opéra national du Rhin et l'Orchestre symphonique de Mulhouse. Pour son anniversaire, la Filature présente depuis le 22 septembre et jusqu'au 11 octobre une programmation rondement menée qui met en valeur toutes les facettes du lieu : « Plutôt que d’avoir simplement une journée, une soirée ou un week-end très concentré, j'ai préféré montrer la diversité de la programmation à la Filature », explique Benoît André. Avec le rappeur français Kery James en ouverture, le programme d'anniversaire a débuté par un spectacle citoyen et militant, suivi d'une représentation de la Comédie française institutionnelle, tandis qu'un spectacle de majorettes se déroulait simultanément.
La Filature © DR
58 spectacles sur scène et neuf expositions sont prévus pour la nouvelle saison - nettement plus que les années précédentes, qui n'ont pas été faciles en raison de la crise sanitaire et de l'inflation. « On va probablement retrouver les chiffres d'avant la crise, voire peut être un peu plus », déclare Benoît André, confiant. La saison dernière déjà, les spectacles affichaient en moyenne 80 % de complet, contre 85 % avant les crises. Le directeur de la Filature s'inquiète toutefois de la réduction des aides financières de l'État : « Cette année, on a réussi à payer l'augmentation du prix du gaz grâce à des aides exceptionnelles. Mais les années suivantes, nous serons peut-être être obligés de réduire les spectacles parce que les financements publics sont en train de se tarir. L'avenir est incertain. »
« Vollmond » à la Filature :
Vendredi, 06 oct.— 20h00
Samedi, 07 oct.— 18h00
Dimanche, 08 oct.— 15h00
Durée : 2h20 entracte inclus
Le jeu avec l'eau, élément central du spectacle « Vollmond » © Martin Argyroglo
